Produit par George Pal (producteur puis réalisateur de nombreux autres films de SF au cours des années suivantes), Destination Lune revêt une importance particulière dans l'histoire du genre. Il ouvre une décennie au cours de Laquelle le cinéma de science-fiction, après une longue absence, revient en force sur les écrans.
Inspiré d'une oeuvre de Robert Heinlein (qui participe à l'écriture du scénario), le film bénéficie des avis d'un expert, Hermann Oberth (qui avait été le conseiller scientifique de Lang pour la Femme sur la Lune). Il se distingue ainsi de la production courante par son souci de réalisme et d'exactitude (fusée, combinaisons spatiales, décors lunaires). Lent, sérieux, avare en rebondissements, le scénario lui confère une qualité quasi documentaire.
Il s'agit alors pour L'Amérique capitaliste (l'expédition lunaire est financée par des fonds privés) de ne pas se laisser devancer dans la conquête de l'espace par un ennemi malintentionné. Nous n'avons vu aussi bien que 19 ans plus tard, en direct et sur petit écran, par une nuit de juillet.
Beaucoup des images de ce film de 1950 rappellent étrangement la fameuse bande dessinée Tintin de hergé : même forme générale de la fusée (verticale, 3 ailerons, forme arrondie de la base des ailerons - sur l'image on notera la jeep sous la fusée), mêmes escaliers escamotables, mêmes couchettes moëlleuses (toutefois chez Hergé les passagers sont couchés sur le ventre), même sortie dans l'espace lors du trajet aller vers la lune (semelles magnétiques pour marcher sur le corps de la fusée, passager s'envolant dans l'espace et en détresse). Enfin même propulsion nucléaire. Les sources devaient être identiques !
Sorti en 1988, Invasion Los Angeles (They Live) est un film fantastique de John Carpenter. Il s'agit de l'adaptation cinématographique de la nouvelle Les Fascinateurs (Eight O'Clock in the morning), écrite par Ray Nelson et publiée en 1963.
Invasion Los Angeles est adapté d'une nouvelle de Radell Faraday Nelson (Les Fascinateurs, 1963), narrant la découverte que fait George Nada après une séance d'hypnose : le monde est gouverné par des extra-terrestres !
L'écrivain, plus connu sous le nom de Ray Nelson, est aussi co-auteur avec son ami Philip K.Dick des Machines à illusions en 1967. Carpenter signe lui-même le scénario sous le pseudonyme de Frank Armitage, en référence au héros de H.P. Lovecraft. Il garde la trame de la nouvelle, mais change le prénom du héros (George devient John) et invente l'idée des lunettes spéciales pour voir le monde « réel ».
Carpenter va adapter cette histoire classique de science-fiction paranoïaque, pour en faire un western urbain mais aussi un brûlot contestataire contre la politique du président de l'époque, Ronald Reagan. Malgré l'étroitesse du budget, les ambitions du réalisateur sont dignes d'un blockbuster (gros film d'action + nombreux effets spéciaux). Le tournage s'étale de mars à avril 1988, dans les quartiers les plus chauds de Los Angeles. En effet, une grande partie du métrage se passe dans un campement de sans abris.
L'équipe doit construire ce décor en plein Justiceville, un ghetto où règne les gangs et la misère. Le kiosque à journaux, qui intervient lors d'une scène clé, a dû être filmé de deux façons différentes. Une version normale avec les revues et une version en noir et blanc avec les messages subliminaux quand Nada met les lunettes. La photographie sera de nouveau signée par Garry B. Kibbe après Prince des ténèbres (il travaillera par la suite sur tous ses films à partir du Village des damnés) et les nombreux effets spéciaux de maquillages seront l'?uvre de Frank Carrisosa (qui a bossé sur une trentaine de métrages comme Glory, Waterworld et récemment Starsky & Hutch).
Pour Carpenter, les aliens doivent ressembler à des zombies mais il demande à Carrisosa d'accentuer leur côté loufoque avec des yeux globuleux (les mauvaises langues diront qu'ils ressemblent aux envahisseurs de Mars Attacks !)
Son nom est personne
Sous une partition très westernienne, John Nada, un vagabond, débarque dans la Cité des Anges avec son paquetage et ses outils sur le dos. L'homme semble venir de nulle part, un personnage typique de western rappelant les anti-héros chez Clint Eastwood (Pale Rider, L'Homme des hautes plaines). Carpenter s'est inspiré d'une période de la vie de son acteur principal, le catcheur professionnel Roddy Pipper (dont se sera le seul film potable), qui avant de connaître le succès, a côtoyé les foyers pour démunis et vivait en marge de la société : « Quand j'avais douze ans, je fouillais dans les poubelles », dit-il sur le commentaire audio du dvd. Nada veut dire « rien » en espagnol.
Pour la société, c'est un anonyme, un moins que rien. Mais il reste optimiste, il croit dans les valeurs de son pays, en lâchant des propos naïfs : « J'ai foi en mon pays, j'aurais ma chance moi aussi, on a tous des moments difficiles, mais ça s'arrange toujours ». Jusqu'à ce que la vérité éclate en mettant des lunettes spéciales fabriquées par un groupe de résistants. Nada découvre un monde monochrome, où chaque panneau publicitaire affiche des messages subliminaux : Obey, marry and reproduce, buy, consume? Sur l'argent est même inscrit : This is your god, des ordres qui font de nous des esclaves de la consommation.
Invasion Los Angeles se place dans la continuité du Zombie de George A. Romero, qui était déjà une virulente critique de la société de consommation américaine. La réaction de John Nada est immédiate, il faut prendre les armes pour défendre ses convictions. Un discours un brin révolutionnaire et nihiliste de la part d'un cinéaste qui en a gros sur la patate : « Mon film est une révolte contre la gauche, la droite, la censure et le politiquement correct, mais dissimulé sous l'apparence d'un divertissement fantastique ». Indéniablement la marque d'un auteur. Outre son côté subversif, Invasion Los Angeles est aussi un moyen pour Carpenter de rendre hommage aux films de science-fiction qui ont bercé son enfance tel L'Invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956).
Invasion Los Angeles est sans conteste un film majeur de la filmographie de John Carpenter. Celui-ci ne peut difficilement laisser indifférent tellement il interloque le spectateur sur les dérives de notre société de consommation. Un véritable missile contre ceux qui détruisent l'Amérique. Si Los Angeles 2013 ressemble à un avertissement, Invasion Los Angeles est la révolte. Pourtant encore aujourd'hui, le film est sous-évalué du fait de son statut de série B. Mais le réalisateur en a l'habitude, Jack Burton avait plus de dix ans d'avance sur son époque (le Kill Bill des années 80 ! ), The Thing fut conspué à l'époque et son petit dernier, Ghosts of Mars est même renié par ses fans. Un triste constat pour cet immense cinéaste qui doit énormément au genre fantastique. Carpenter comme Nada a fait un dernier doigt d'honneur au système hollywoodien et semble vouloir se retirer.
« La science fiction est un univers plus grand que l'univers connu...
Elle invente ce qui a peut-être été, ce qui est sans que nul ne le sache, et ce qui sera ou pourrait être...
Elle est avertissement et prévision, sombre et éclairante...
Elle est le rêve d'une réalité autre et la réalisation des rêves les plus fous... » Pierre Versins
« La science-fiction, c'est le lyrisme, la satire, l'analyse, la morale, la métaphysique, l'épopée. Ce sont toutes
les activités de l'esprit humain en action dans les horizons sans limites » René Barjavel
« La science-fiction se confronte aux limites humaines de la connaissance » A. A. Attanasio